Une traversée du dragon

Basile et Tocozote

Voulant pour une fois raconter une histoire à l’oreille gauche du dragon, Basile s’apprête à le traverser de part en part. En chemin, il croise Tocozote, qui veut s’enfuir.

BASILE : – As-tu déjà traversé le dragon ?

TOCOZOTE : – Jamais. Mais j’espère y trouver refuge pour toujours. Chut ! Regarde ces abeilles qui courent dans tous les sens. Nous devons être proches du centre du dragon.

Ne me dis pas de me taire ! Ces abeilles sont gardées par leur berger, regarde. Nous ne risquons rien.

Nous sommes presque arrivés. Je peux sentir la matière minérale. Envolée mon ancienne vie ! J’aurais réduit cette société en miettes si j’étais resté.

Basile observait Tocozote, dansant dans la matière minérale. Il se disait que finalement, il l’avait peut-être mal jugé. Mais en le regardant attentivement, pour la première fois, il perçut autre chose. Il vit un homme simple, attaché aux plaisirs de la nature. Il le vit caresser la matière minérale comme si celle-ci était un trésor. Il vit briller dans ses yeux la lueur des enfants qui découvrent la vie. Il vit son sourire franc, qu’il ne lui avait jamais connu auparavant. Emerveillé par cette vision, Basile se promit d’en faire très vite le récit à Irdéun. Cette scène pleine d’humanité – ou d’irdéunité – le pousserait peut-être à s’ouvrir un peu plus à son propre monde, à lui-même et à ses habitants.

Nous y sommes ! Je suis trempé, j’aurai du faire un ourlet à mon pantalon…

Mais Tocozote ne l’écoutait déjà plus. Fasciné par la matière minérale, il s’apprêtait à devenir un autre.

Plus tard...

Lina et Tocozote

LINA : J'ai besoin d'aide, je n'arrive pas à passer par la brèche. La bouche, j'ai réussi.

TOCOZOTE : Ecoute, moi avec mon scaphandre rouge, je ne pourrai pas t'aider. C'est déjà compliqué pour moi. Faufile-toi.

Je n'arrive pas. J'aimerai qu'on m'aide.

Allez, attrape ma main.

Mais tu es trop loin.

Je ne peux pas reculer. Je suis bloqué.
L'espace est trop petit. Allez passe par une écaille. Attend un spasme et faufile-toi.

Oh, c'est grand, on dirait un château, je n'aurai jamais cru.

Et il y a des bêtes dedans, ça se bouscule, ça brille et ça gazouille comme une fourmillière ou du bétail. On se marche dessus, fais attention.

C'est un monde souterrain enfoui que je n'avais pas imaginé.

Avançons. Moi, j'ai la rive à traverser après, sous la roche. C'est pour ça que j'ai mis le scaphandre. Qu'est ce que c'est lourd.

J'aurai aimé m'appuyer sur toi mais je n'ose pas. C'est bizarre, on dirait un mille-feuilles avec des étages, je n'aurai jamais cru.

Viens, suis le berger, il doit savoir où aller.

Mais moi je ne vais pas au fond des mers.

Alors, suis les abeilles, si tu vas ailleurs. On se retrouvera peut-être.

J'ai peur.

Pense à une poésie. Tendre et douce et récite la tendrement. Ça détend. Je dois y aller. Désolé. Je vais perdre sa trace sinon. C'est mieux ici.

J'ai vu un refuge pour me reposer, comme une cave avec des coussins.

Vas-y et pense à suivre les abeilles, elles vont toujours vers la vie, les fleurs, le chant.

Prends des notes de ton séjour. Je compte sur toi pour me raconter à ton retour. Ne perds pas une miette.

Ok. Je vais passer le mur de fumée et à mon retour je refermerai le livre de la vie et je t'écrirai un conte comme on coud un ourlet.

Shadow | Les trois sœurs